« Je vis à Tel Aviv. Je suis israélien. Comme ces hommes que vous allez voir dans ces vidéos », annonce en préambule Arkadi Zaides. Des vidéos tournées par des Palestiniens résidant en territoire occupé à qui l'ONG B'Tselem, association israélienne défendant les droits de l'Homme, a confié des caméras pour rendre compte de leur quotidien. Des vidéos que le chorégraphe a choisies pour en faire la matière première de son spectacle. En fond de scène, il y a cette toile sur laquelle défilent les images. Chaque séquence est contextualisée par de brefs descriptifs. Qui filme ? Quoi ? Quand ? Et où ? Toutes les images sont tournées en Cisjordanie. Et toutes les scènes montrent des Israéliens, « des colons », dans des moments de violence, de persécution.
Des images saccadées, imprécises, qui donnent à voir ici un soldat en planque, le fusil au garde à vous. Là, des Israéliens chassant un berger et son troupeau. Ou des enfants. Ils ont à peine plus de 10 ans. Ils sont ivres, donnent des coups de pied dans les maisons des Palestiniens. Des jeunes qui font du jet de pierre un exercice à maîtriser. Le chorégraphe se saisit de tous ces gestes et les mime devant l'écran – donnant alors une autre perspective à la scène filmée. Du relief et finalement, une autre texture. Puis il les anticipe et les met bout à bout donnant corps à une chorégraphie nerveuse.
Arkadi Zaides semble alors soumettre son corps à la violence de spasmes continus, comme si celui-ci devenait une transcription, un support vivant de cette brutalité. L'intensité monte d'un cran lorsqu'il joint la parole au geste en reproduisant les cris, les mots en arabe et en hébreu qui s'échappent de la vidéo. Il les superpose. Nul besoin d'en comprendre le sens pour sentir l’agressivité, la dureté de l'instant. 'Archive' est une œuvre dont on ne sort pas tout à fait indemne. Un moment de théâtre qui invite frontalement à un questionnement sur la violence en général.