Ce soir, vous avez rendez-vous à 20h aux ateliers Berthier. Avec la ‘Cendrillon’ de Joël Pommerat, pour être plus précis. Spectacle complet, choyé par la critique, immanquable. Mais voilà, parce qu’il pleuvait comme en octobre, vous vous êtes planté de station de métro. Jugeant le parcours à faire à pied un poil trop long, vous avez finalement décidé de courir jusqu’à la station de Vélib’ la plus proche et de prier pour trouver une place une fois à destination. Pas de bol, il faudra faire quelques détours avant de pouvoir poser le bolide. 19h59. Encore trempé, le cœur battant et le souffle court, vous vous asseyez dans les fauteuils duveteux du théâtre. Le conte commence.
Un père dépressif qui fume ses clopes en cachette, une belle-mère tyrannique accro à la chirurgie esthétique et une fée qui s’ennuie… Les contes racontés par Pommerat n’ont vraiment rien en commun avec les romances apprises par cœur à l’école. Ici, l’héroïne n’est pas une princesse docile mais une gamine masculine un brin masochiste. Une toute petite gamine obsédée par la promesse faite à sa mère mourante et affublée d’un costume orthopédique. Un drôle de personnage magnifié par le naturel de Deborah Rouach et son charmant accent belge.
Découpée en brèves séquences ponctuées de noirs, cette version moderne et argotique de ‘Cendrillon’ témoigne une nouvelle fois de la profonde sensibilité esthétique du metteur en scène français. Car ce qui plaît d’abord chez Joël Pommerat – outre sa capacité à nous faire pleurer et rire, et pleurer de rire –, c’est cet univers onirique empreint de magie. Un véritable don pour faire du beau, simplement. Pour preuve, cette scénographie à la sobriété toute scandinave : un cube noir à la scénographie minimale, un lustre de diamants, des projections vidéo de nuages et des objets qui apparaissent et disparaissent. Un décor majestueux qui souligne une narration à la rythmique maîtrisée. Des parures organiques d’Isabelle Deffin à la vidéo fantasmagorique de Renaud Rubiano, tout dans ce spectacle concourt à mêler rêve et réalité, vie et mort. Et on ne vous parle pas de la reprise sensible du "Father and Son" de Cat Stevens par Caroline Donnelly, dont on ne s’est toujours pas remis.
Alors si vous l’aviez manqué l’hiver dernier, il est grand temps de vous rattraper. Le spectacle est éblouissant.