Du bruit et de la fureur. L’information avait filtré. Les spectateurs savaient que l’Idiot ! de Vincent Macaigne n’allait pas être un spectacle comme les autres, de ceux dont on attend la fin un peu endormi. De là à imaginer que nous allions courir dans les rues de Nanterre en chantant à tue-tête « Joyeux anniversaire Nastassia », danser dans un bus bondé et boire de la blonde dans un gobelet en plastique...
Vincent Macaigne ne fait pas un théâtre reposé, ses mises en scène maximalistes sollicitent le spectateur jusqu’au fond de son fauteuil rouge. Projecteurs face public, volume sonore puissant, musique tonitruante, fumée épaisse : le plateau est un champ de bataille recouvert de terre, de sang, de mousse et de paillettes. La pièce puise dans ce qu'il y a de plus féroce chez Dostoïevski, et révèle des personnages vidés de leurs entrailles, pendus par les pieds, de la merde plein les parties génitales (oui, c’est aussi ça le théâtre contemporain). N’y voyez pas une surenchère pour autant, si Macaigne couvre son plateau des costumes d’un lapin géant et de ballons Mickey Mouse, c’est pour mieux les faire voler en éclats, texte original compris. Un peu comme chez Rodrigo Garcia, mais sans le caractère profanateur.
Un tableau de l’apocalypse où tout s’effondre, ou rien ne tient debout, pas même le décor. Alors oui, il ne faut avoir peur ni de la lumière dans les yeux, ni du goût de la terre dans la bouche, et accepter d'en prendre plein les oreilles en écoutant les complaintes du mégaphone et des basses vrombissantes. C’est une fois la résistance du corps ébranlée que Macaigne sert ses moments de grâce, larmes d’extase au milieu du chaos. Trop peu nombreuses, il est vrai, hélas.