Emma Dante n'est pas seulement une chorégraphe. Elle n'est pas qu'une metteur en scène. Elle est bien plus qu'une femme de théâtre. Emma Dante est une poétesse, une artiste de l'image, une esthète de la scène. La beauté de son dernier spectacle 'Le Sorelle Macaluso' prouve d'ailleurs en quelques scènes et en à peine une heure combien l'Italienne sait captiver l'attention du spectateur avec un minimum de moyens et un maximum d'émotions. Sur le plateau, seuls quelques plateaux-boucliers et des ex-voto sont installés sur l'avant-scène. Rien d'autre. Après un fragile mais puissant solo de danse, un essaim d'Italiens (six femmes et deux hommes) entre sur scène. Entièrement habillés de noir, ils avancent d'un pas décidé, dessinent des lignes imaginaires dans l'espace. Une procession de laquelle des corps s'échappent pour s'écraser au sol.
Puis le petit bataillon se démantèle et s'arme d'épées et de boucliers en un subtil hommage à l' « Opera dei pupi », un théâtre de marionnettes sicilien. Car si 'Le Sorelle Macaluso' nous raconte entre éclats de rire et drames, les souvenirs d'une famille palermitaine, elle nous invite surtout sur sa terre d'origine, Palerme. Et comme chez Pina Bausch, Palerme est hantée par le noir du deuil, et le poids du soleil. On entend les garçons siffler les filles, les filles s'esclaffer de rire. On les voit frétiller à l'idée de voir la mer, on perçoit les cicatrices de la pauvreté. Alignées côté à côte face au public, les sœurs Macaluso font remonter les souvenirs à la surface, balayées par un violent ressac, elles se rappellent ce qu'elles ont pourtant essayé d'oublier. Une saga familiale funeste et cruelle racontée avec douceur et humilité par Emma Dante. Un spectacle émouvant, d'une simplicité majestueuse.