Hugo, Ionesco, Brecht... En plus de trente ans de carrière, le téméraire Laurent Pelly s’est attaqué à plus d’un mastodonte du répertoire théâtral. Cette fois c’est Shakespeare et sa pièce écossaise maudite qui passe entre ses mains aguerries. Rompu aux œuvres lyriques et aux scénographies colossales, le metteur en scène, directeur du théâtre national de Toulouse, présente au théâtre des Amandiers de Nanterre sa version fantasmagorique du drame shakespearien.
Pour incarner le couple régicide, Pelly a fait appel à deux comédiens du Français, Thierry Hancisse et Marie-Sophie Ferdane (avec lesquels il avait déjà collaboré pour ‘L’Opéra de Quat’Sous’), ainsi qu’à une troupe d’acteurs pour la plupart également habitués de ses créations, dont Pierre Aussedat qui cumule ici les rôles du malheureux roi Duncan, de l’ensorcelante Hécate et du laconique lieutenant de Macbeth, Seyton. Les sorcières, apparitions chimériques qui poussent Macbeth sur une voie destructrice, sont interprétées par trois acteurs aux silhouettes fantomatiques, auxquels les chapeaux pointus et la blancheur livide confèrent une allure étrange et inquiétante.
Afin de porter ce drame guerrier sur scène, Laurent Pelly a enfilé toutes les casquettes ou presque ; supervisant la scénographie et les costumes en plus de la mise en scène, il a imaginé un décor labyrinthique, fait de murs de parpaings, pour illustrer l’état d’esprit aliéné du couple sanguinaire. S’attachant à pénétrer au cœur du mal, il vise à atteindre les recoins les plus sombres de l’âme torturée du général Macbeth qui, devenu roi, cède à une paranoïa meurtrière sous l’influence de sa femme.
Explorer les origines de la barbarie, faire résonner la pièce de Shakespeare avec une actualité encore entachée par la tyrannie et la folie du pouvoir absolu, tout en faisant entendre la dose d’humour insufflée par le poète dans son texte, voilà en quelques lignes la mission que s’est attribuée Pelly. Espérons pour lui que le couteau atteigne sa cible et que l’acte soit bel et bien perpétré.