Il y a foule devant le chapiteau blanc. Et dans la file d’attente, on se demande même si le lieu va pouvoir contenir tout ce petit monde. Le spectacle n’est pas encore commencé que déjà la magie opère. Bien installés sur des gradins en bois, les enfants bruyants aux premiers rangs, les adultes trop grands au fond. ‘Marée basse’ peut commencer, un duo de clowns-acrobates-manipulateurs d’objets.
Ne vous attendez pas à voir fleurir au bout de leur nez une sphère rouge, ces clowns-là ont plutôt la mine renfrognée et le regard craintif lorsqu’ils se lancent dans un numéro. Une tendance irrésistible à finir les fonds de bouteille, à se coincer l’imperméable avec un pied de chaise et à s’enfiler de la piquette pendant plus d’une heure. Juste le temps que le vin chaud enveloppe le chapiteau de son odeur capiteuse et que les circassiens nous montrent l’étendue de leur adresse. Lancer de couteaux, manipulation d’objets divers, portés acrobatiques, chutes hasardeuses : le quotidien de ces deux ours mal léchés ressemble à un chemin de croix, mais réglé comme du papier à musique. La lame se fige à quelques centimètres de l’épiderme, le bouchon catapulté atterrit où il faut. On imagine derrière tant d’agilité, des semaines d’exercice, des heures de pratique, et une multitude de ratés. Mais le résultat en vaut assurément la chandelle. Evoluant dans une mise en scène à la mécanique bien huilée et à la scénographie riche d’embûches, les deux personnages nous font pleurer de rire.
A la fois ingénieux et drôle, physique et intelligent ‘Marée basse’ nous invite à scruter le moindre détail de ce décor bourré de cachettes (la plupart à picole), à capturer les regards complices des deux compères, et à partager les trouvailles de ces MacGyver de la paresse. Une belle réussite pour ce duo débordant d’humour et de fantaisie.