On a beau y être allé des dizaines de fois, la mythique salle Richelieu suscite toujours un sentiment particulier. En ce qui me concerne, ce n’est pas tant le velours des fauteuils ou la richesse des dorures qui font briller mes yeux mais le sentiment d’entrer dans un lieu historique. Un lieu où des générations d’acteurs et de techniciens font perdurer cet art un peu fragile. Depuis qu’un sacré coup de jeune a été donné à sa programmation et à ses choix artistiques, la Comédie-Française peut se targuer de proposer des saisons hétéroclites, de la petite lecture contemporaine intimiste au grand classique racinien. Un vrai bouillon de culture !
C’est en partant de cet état de fait que Véronique Vella a choisi de montrer ce que l’on pourrait appeler le « défi ‘Psyché’ ». D’un côté, elle part du théâtre, de sa propre cage de scène et des décors qui s’y entassent en attendant leur tour. Et de l’autre, elle prend à bras-le-corps cette pièce de plus de 4 heures, la triture un peu pour la rendre plus digeste. Elle décide de la jouer, comme on jouerait entre amis ou entre deux levers de rideau, avec les moyens du bord. Cet angle permet de suivre Psyché, avec facilité et évidence, du monde des vivants au monde céleste où elle retrouve L’Amour (Cupidon pour les intimes), puis aux enfers, et enfin chez Jupiter, au milieu des planètes.
Même les intermèdes musicaux, qui tombent habituellement comme un cheveu sur la soupe, participent de cette fluidité entre des tableaux radicalement opposés. Les deux pianistes, absolument géniaux, donnent vigueur et légèreté à l’ensemble. Ils soutiennent un chœur loufoque et décalé. Malgré la multiplicité des références (Broadway, Disney et la musique classique), la proposition reste homogène et intelligible.
Du côté des comédiens, on s’en donne à cœur joie. Sylvia Bergé campe magistralement une Vénus coiffée de dreadlocks et à la tessiture de voix extra-large. Françoise Gillard interprète une Psyché faussement ingénue, captivante et sincère. Quant à Benjamin Jungers, il prend le parti de la jeunesse avec un Amour frêle et timide qu’on a presque envie de consoler. Les acteurs jouent la pièce, se jouent d’elle et aussi un peu de nous, et c’est d’ailleurs ce que nous étions venus chercher.