Time Out Paris : Dans 'Situation Rooms' on ne fait pas que suivre les indications d'un iPad, on goûte une soupe, on sert le thé, on s'agenouille. Certaines pièces ont même une odeur. L'expérience est totale, nous sommes loin du théâtre dit frontal.
Stefan Kaegi : Oui, d'ailleurs quand on parle de cinéma 3D, je trouve cela plutôt ridicule. Ce n'est pas du tout tridimensionnel, tu es assis au cinéma avec des lunettes rigolotes, tu ne peux pas toucher, ni sentir, tu n'as pas d'interaction directe. Avec 'Situation Rooms' on a vraiment la possibilité d'offrir une expérience plus large. Je dis souvent que l'on « se met dans la peau de quelqu'un ».
Il était intéressant pour nous de penser à une forme plus immersive de théâtre. Avec Rimini Protokoll nous avons fait beaucoup de spectacles documentaires, des pièces durant lesquelles on écoutait des experts parler sur la scène. C'est très facile de juger un soldat, très facile d'avoir de la peine pour une victime lorsque tout est mis à distance. Tout devient différent lorsque l'on est dans la position du tireur, par exemple.
Peut-on alors encore parler de théâtre ?
J'aime bien l'idée que le théâtre ne soit pas tout à fait ce qu'il était il y a 3 000 ans. La société a changé, la réalité s'est transformée, et le théâtre a donc fatalement pas mal changé. Au départ, ce n'était pas des acteurs qui déclamaient des textes, mais des chœurs qui chantaient... Pour moi, il s'agit encore de théâtre dans la mesure où il est toujours question de rôle. La sensation de spectacle « vivant », est toujours importante, même sans acteur à proprement parler.
Rimini Protokoll travaille d'ailleurs majoritairement avec des « acteurs » amateurs...
Le collectif est né en 2001. Nous avions tous les trois (avec Helgard Haug et Daniel Wetzel) un intérêt commun pour les gens qui ont des choses à raconter. Notre premier « spectacle » sous le nom de Rimini Protokoll c'était 'Deuschland 2'. Un projet dans lequel 200 personnes munies de casque audio lisaient les discours du parlement de Berlin mais depuis Bonn, l'ex-capitale, et en simultané. Il n'y a pas eu de sélection, tout le monde pouvait participer, et c'était très intéressant d'écouter les discours de politiciens allemands prononcés par des étudiants, des vieillards... En ce moment, nous préparons un spectacle pour Hanovre, mais cette fois-ci avec des comédiens, parce qu'il s'agit de copier la Chine, et son entreprise automobile. On a considéré que cela avait plus de sens ainsi.