Vous voilà devant une porte numérotée. Un iPad entre les mains, vous avez le trac. Vous vous sentez tel un comédien à quelques secondes du lever de rideau. Sur l'écran, on vous signale qu'il est temps, vous poussez la porte, 'Situation Rooms' peut enfin commencer.
Après le solaire 'Remote Avignon', le collectif berlinois Rimini Protokoll a conçu un nouveau projet interactif où il n'est plus question de « voir » un spectacle, mais de le vivre. « Vous êtes les mains du personnage » nous confie-t-on à l'entrée de cette fameuse boîte, dont on ne devine pas grand-chose depuis l'extérieur. A l'intérieur le mystère reste entier, guidé par des voix et un écran qui reconstitue le décor, on passe d'une pièce, d'un rôle, d'un continent à un autre. Nous n'incarnons pas une mais dix personnes à la suite : un agent de sécurité, un enfant-soldat, un tireur sportif, un journaliste africain... Dans les oreilles, de l'anglais, de l'allemand, de l'espagnol... On entre dans une salle de conférence, on s'assied dans un cimetière mexicain, on goûte à une soupe de betterave, on tire dans le vide... Et tout ça, en 1h35. Inutile de le préciser, l'expérience en elle-même vaut le détour. D'abord parce qu'il est encore très rare (et ceci malgré l'avènement des nouvelles technologies) que les salles de théâtre proposent autre chose qu'une mise en scène frontale dans laquelle le spectateur est bien à sa place, assis et passif. Puis, parce qu'il faut tout de même l'avouer, bien que très conceptuel, le spectacle reste grisant. Si on reste collé le nez à son écran, les metteurs en scène ont tout de même imaginé quelques scènes où l'on doit se séparer de son iPad pour « faire l'action » : serrer la main d'un autre joueur-acteur-spectateur, déguster le thé, ramper.
Des gestes qui restent cependant d'apparence, car même si l'on prête son corps à son personnage du moment, l'improvisation est impossible, le libre-arbitre inexistant. Nous sommes comme de petites machines téléguidées dont chaque seconde, chaque étape et chaque rencontre est minutée. Ceux qui auront perdu le fil et se seraient retrouvés à l'extérieur du jeu, seront réinjectés fissa à leur position par un agent d'observation. A mi-chemin entre le paint-ball, le jeu de rôle et le jeu vidéo, 'Situation Rooms' aborde dans sa narration le thème de la guerre à travers des questions politiques épineuses (les enfants-soldats, les cartels de la drogue, le conflit israélo-palestinien) mais sans en faire une question d'émotion, ni de ressenti. Les histoires ne servent qu'à remplir de mots, des décors ultra-réalistes. Littéralement happé par le concept et l'itinéraire, le spectateur en oublie presque de prêter son oreille et son attention à l'histoire qui lui est racontée. Il aurait fallu un peu plus d'humanité à 'Situation Rooms' pour qu'il soit bouleversant, il reste néanmoins suffisamment captivant pour être vivement conseillé.
>> Nos deux critiques sur le spectacle.
Du mardi au samedi à 13h + 15h + 17h + 19h + 21h
Dimanche à 12h + 14h + 16h + 18h + 20h