Ouvrez grand vos oreilles. C’est la musique qui vous parle, ou plutôt ce petit refrain que vous fredonnez sans savoir pourquoi.
D’ailleurs qu'en est-il de la mélodie fantôme : celle qui nous hante, qui tourne en boucle dans nos esprits, que l'on sifflote sans même s'en rendre compte ? Que signifie-t-elle ? Que révèle-t-elle de notre société ? Que dit-elle de notre rapport au monde ? Intrigué par les propos de Peter Szendy sur la musique et plus particulièrement sur l'écoute (à lire, l'excellent 'La Philosophie dans le juke-box'), le directeur du NTDM, Mathieu Bauer a imaginé un spectacle de théâtre musical entièrement dévolu à nos oreilles. Une « archéologie de nos écoutes musicales, une histoire de nos oreilles de mélomane, de maniaque de mélodies en tout genre ». Dans un studio d'enregistrement, des comédiens et leur metteur en scène, une chanteuse, un musicien et un ingénieur du son (excellent Thomas Blanchard) se retrouvent pour créer le paysage sonore d'un film d'horreur. Une expérience de création musicale et sonore comme un prétexte absurde pour parler de notre rapport à la fois subjectif et universel à l'écoute.
Dix jours qu’ils travaillent, mais le résultat patine. Il faut dire que les répétitions sont ponctuées de multiples divagations. Ainsi, pendant que Kate cherche avec le public le titre de la chanson qui lui trotte dans la tête, Thomas analyse "Paroles paroles" de Mina et Alberto Lupo, chantée par Dalida et parlée par Alain Delon. « Une chanson pendant laquelle le dire et le parler dialogue » ajoute-t-il pensif. Dans ce laboratoire acoustique à la mise en scène inspirée, on sourit de l’énergie clownesque de Matthias Girbig, on aimerait noter dans un petit calepin la moindre réplique de Thomas Blanchard, et on s’extasie de la voix cristalline de la mezzo-soprano Pauline Sikirdji. Des comédiens portés par un texte subtile et documenté qui allie discours théorique sur la musique, souvenirs d’adolescences et medley de tubes pop-rock. Une réussite de bout en bout. Drôle et intelligent, le spectacle passe en un éclair. Mais pourquoi donc n’existe-t-il pas de rappel au théâtre ?
Durée : 1h50