Pour qui ? Les ados torturés (et les adultes qui gardent un ado torturé au fond d’eux)
Voir quoi ? Un testament punk à l’accent québécois
Figure sulfureuse du théâtre britannique, Sarah Kane a rédigé 4.48 Psychose quelques semaines avant de se suicider, à 28 ans, en 1999. Dans ce texte halluciné mais dangereusement lucide, traversé d’un humour noir corrosif, elle s’épanche sur le deuil amoureux qui la mine, tout en réglant son compte à la psychiatrie qui échoue à la sauver.
Au Théâtre Paris Villette, Florent Siaud propose de ce testament littéraire une nouvelle traduction, du Québécois Guillaume Corbeil, interprétée par sa compatriote Sophie Cadieux. Le fait que le texte soit écrit et prononcé en français canadien lui donne une saveur particulière, très proche de la version originale britannique, dont certains mots anglais sont d’ailleurs conservés. La comédienne est époustouflante, incarnant en une heure un spectre impressionnant d’émotions successives, sans jamais forcer le trait. C’est prenant et, bizarrement, pas déprimant du tout. Sa rage est énergisante, stimulante. La critique acerbe qu’elle dresse de la notion de santé mentale semble étonnamment actuelle – le discours qu’elle parodie pourrait être tiré d’un livre de développement personnel contemporain.
Le dispositif scénique accompagnant son monologue laisse en revanche un peu perplexe. Il y en a trop, ou trop peu. On peine à saisir le sens du jeu d’éclairages criards proposé, tandis que les quelques salves musicales, très courtes, qui ponctuent le spectacle, tombent comme des cheveux sur la soupe. C’est dommage, car vu la puissance du texte de Kane et de l’interprétation de Cadieux, une épure totale aurait suffi.