Ils sont 9. Un musicien, une enseignante, un vigneron, une graphiste… Neuf jurés aux humeurs changeantes et aux avis divergents. Neuf citoyens invités à délibérer dans l’exiguïté d’une pièce de tribunal. Ensemble, Elodie, Benoît, Anne-Marie ou encore Thomas vont devoir se mettre d’accord à l’unanimité sur la culpabilité de Karim, enfant originaire des Comores. Un adolescent adopté, petit voyou notoire, retrouvé les vêtements imbibés de sang autour des cadavres de ses grands-parents. Tout le condamne mais est-ce lui l’auteur de ce terrifiant double assassinat ? Un drame judiciaire qui n’est pas sans nous rappeler l’excellent long-métrage de Sidney Lumet ‘Douze hommes en colère’.
« Comment ça fonctionne un être humain ? »
Comme chez Lumet, le nombre de jurés a son importance puisque chacun, dans son individualité et ses convictions, s'avère essentiel à la trame du récit. C’est d’ailleurs finalement à travers eux que le drame se noue et se dénoue, parce qu’ils sont pressés de partir, parce qu’ils sont curieux ou parce qu’ils ont peur. Mais si le sort de Karim et sa possible inculpation nous intriguent, c’est surtout ces neuf jurés qui nous intéressent. Ce qui les encouragera à voter contre les autres, ou à maintenir leur décision coûte que coûte.
Stéphane Guérin réussi à partir d’un fait divers à tirer le fil d’histoires personnelles toutes constitutives de notre société. Une biopsie méthodique de ce qui nous compose : anxiétés, appréhensions, désirs. Car c’est à travers nos angoisses et nos envies que l’on s’installe sur l’échiquier, que l’on choisit ou non de comprendre, que l’on accepte le regard de l’autre. Pendant les 90 minutes de spectacle, certains feront de la résistance, emmailloté dans leur désir d’infaillibilité, d’autres iront à contre-sens. Difficile de faire plus représentatif de notre société.
Consensus
Habilement installée en tri-frontal, la mise en scène de Manex Fuchs et Georges Bigot, issus du Petit Théâtre de Pain (une troupe permanente installée dans le Pays basque), invite les spectateurs à ressentir le poids de l’argumentaire et de la responsabilité. Au plus près de la scène, de cette large table autour de laquelle gravite les convictions et les doutes, le spectateur suffoque. Le huis clos fonctionne, le temps s’étire. Ce qui ne veut pas dire qu’on s’ennuie, bien au contraire.