Entre Chiens et Loups
© Magali Dougados
  • Théâtre
  • Recommandé

Critique

Entre chien et loup

4 sur 5 étoiles

Aux Ateliers Berthier, la metteuse en scène Christiane Jatahy adapte le film Dogville, la fable sombre de Lars Von Trier

Alix Leridon
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Time Out dit

Peut-être faut-il avoir vu Dogville, la fable sombre et cruelle de Lars von Trier sur la bassesse des instincts humains, pour comprendre toutes les subtilités d’Entre chien et loup. Dans son adaptation scénique du film le plus théâtral du réalisateur danois, Christiane Jatahy tisse un dialogue étroit entre la vague d’émigration massive en cours dans son pays d’origine, le Brésil, et le sujet atemporel de Dogville, à savoir l’arrivée de l’autre, de l’étranger, au sein d’un groupe social donné. Sur la scène des Ateliers Berthier, une troupe de comédiens chapeautée par un réalisateur un poil arrogant (mais ne le sont-ils pas tous ?) s’apprête à revisiter le chef-d’œuvre de Trier, quand l’arrivée de Graça, jeune réfugiée du Brésil, vient perturber leur petit équilibre. 

La trame de la pièce, ainsi que ses personnages, sont identiques à ceux du film : une jeune et belle étrangère fait irruption dans une petite communauté fermée et tente de s’adapter à leur réalité. Mais le mystère qui l’entoure et la précarité de sa situation la transforment rapidement en proie, et ceux qui étaient supposés la protéger finissent par la dévorer. Pourtant, c’est dit dès le départ, il ne faut surtout pas que l’histoire (du film, et de l’immigration en général) se répète. Et bien que chaque comédien, et chaque être humain derrière le masque, renouvelle sans cesse ses vœux de bonne volonté, aucun ne semble pouvoir échapper aux relents putrides de sa bestialité. Chez Jatahy, ce qui était purement tragique dans l'œuvre de Trier devient plutôt cynique, et trouve dans l’humour finement dosé de la réécriture un exutoire bien amené. Mais on regrette parfois le survol provocateur de certaines problématiques (comme celle du viol), que le traitement froid et distancié de la mise en scène rend presque archétypiques. 

Une fois n’est pas coutume, la mise en scène de Christiane Jatahy repose essentiellement sur une dialectique entre l’écran et le plateau, avec un entrelacs de scènes filmées en direct et d’images préenregistrées, qui se confondent et s’éclairent les unes les autres. Ce travail n’est pas seulement pertinent, il est magistralement réalisé. Ici, la technologie devient une drôle de sorcellerie et, loin de naturaliser le travail de représentation, crée un effet d’étrangeté. L’écran révèle les fantômes qui peuplent la pièce, rendant visible des corps pourtant absents de la scène, floute les frontières entre les différentes temporalités abordées, mais aussi entre les corps qui habitent l’espace et les rôles qu’ils sont supposés jouer. Pourtant, Entre chien et loup reste profondément ancré dans la réalité. Réalité politique, matérialité des corps, fragilité du décor… Réalité, surtout, de la menace fasciste qui pèse (aujourd’hui peut-être plus que jamais) sur notre société et en chacun de nous.

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De 7 à 36 €
Heures d'ouverture
Du mardi au samedi, à 20h. Le dimanche à 15h.
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