Depuis le Lucernaire, on aperçoit au loin les collines verdoyantes du Connemara et le vent qui bat le fronton des maisons. Face à nous, l’intérieur d’une petite maison perchée, un décor de salle à manger signé Philippe Varache où s’éventrent nuit et jour, mère et fille. Maureen, 40 ans, moulée dans une mini-jupe en jean sert un porridge mal préparé à sa mère Mag, une sorte de Tatie Danielle en fauteuil roulant. Jouée par l’excellente Catherine Salviat (sociétaire honoraire de la Comédie-Française), Mag a tout pour elle. Elle renverse son pot de pisse dans le lavabo, « oublie » de transmettre des messages à sa fille et se goinfre de soap opera.
Jamais avares de coups vaches, Mag et Maureen « se portaient plutôt bien » avant que Pat Dooley ne cogne à leur porte ouvrant à Maureen une fenêtre pleine de possibles.
Une guerre déclarée dans une poignée de mètres carrés.
Mis en scène par Sophie Parel, qui interprète aussi le rôle de Maureen, le texte de Martin McDonagh, à la fois cruel et drôle, sensible et tourmenté offre à ‘La Reine de beauté de Leenane’ une portée moins anecdotique que psychologique. Car si les répliques cinglantes fusent, truffées de fautes de grammaire ou de syntaxe, c’est pour mieux illustrer la part tragique de cette histoire de famille, un drame domestique. On se traite de pute ou de vieille bique, mais dans ce petit foyer modeste il est surtout question d’une vie abandonnée et de rêves étouffés par les grumeaux. « Tu crois qu’c’est quoi, mon bonheur ? De rester collée ici avec toi à sécher sur pied comme une vieille ? »
Une relation tragi-comique hostile et souvent drôle, mais jamais caricaturée par la plume acérée de Martin McDonagh. ‘La Reine de beauté de Leenane’ emprunte avec intelligence et sagacité la forme d’une comédie noire et celle du thriller psychologique. Un auteur à découvrir et une metteur en scène à suivre…