Critique

La Tragédie du roi Christophe

5 sur 5 étoiles
Avec 37 comédiens et citoyens de Lyon et Villeurbanne, Christian Schiaretti réalise un puissant acte de résistance créatrice.
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Time Out dit

Grand acteur de la décentralisation théâtrale, Christian Schiaretti s'est très tôt intéressé au français de l'Autre. Aux langues « butin de guerre », selon l'expression de Kateb Yacine. Lorsque l'écrivain guadeloupéen Daniel Maximin lui propose de rendre hommage à Aimé Césaire à l'occasion du centenaire de sa naissance, il s'empare sans hésiter du verbe foisonnant de l'auteur du 'Cahier d'un retour au pays natal' et monte en 2013 'Une saison au Congo', pièce de 1967 consacrée à Patrice Lumumba. Créée en janvier au Théâtre National Populaire (TNP) à Villeurbanne (69) qu'il dirige et où il organise un cycle Césaire, sa 'Tragédie du roi Christophe' est donc la suite de son exploration d'une œuvre qu'il considère comme l'une des plus belles et singulières du XXe siècle. 

Politique de coqs

Ecrite en 1964, cette fresque de l'insoumission antillaise débute en 1806, au lendemain de la chute du régime tyrannique de Dessalines. Sur un plateau nu au fond duquel sont installés des musiciens et leurs instruments, une trentaine de comédiens s'affairent dans une atmosphère de fête autour de deux hommes coiffés d'un masque de coq. Membres du collectif d'artistes burkinabés Beneeré et du chœur de citoyens de Lyon et de Villeurbanne déjà présents dans 'Une saison au Congo', ils portent d'emblée le souffle épique et poétique de 'La Tragédie du roi Christophe'. Surnommés « Christophe » et « Pétion », leurs poulets de carnaval qui se bagarrent sans pitié préfigurent en effet la confrontation entre deux types de pouvoirs dont traite Aimé Césaire dans cette pièce : la pseudo-démocratie d'Alexandre Pétion et le despotisme éclairé de Henri Christophe. 

Une fresque du tout-monde

Comme son Lumumba, le Christophe du chantre de la négritude est un homme tout en paradoxes. Sincèrement animé par le désir de donner aux Haïtiens la dignité qui lui a toujours été refusée, mais usant pour cela d'une autorité absolue et en imitant les manières des anciens colons. Le comédien Marc Zinga excellait dans le rôle du héros congolais ; il brille tout autant en despote haïtien, entouré de son très formel secrétaire Vastey (Marcel Mankita) et de son bouffon Hugonin (Emmanuel Rotoundam Mbaide). Dans la scénographie minimaliste de Christian Schiaretti, lui et ses trente-six compagnons de plateau d'origines diverses sont à eux seuls le pays de convulsions où se déroule la fresque de Césaire. En tenues de pauvres pour les uns, en costumes directement inspirés du luxe de la cour française pour les autres, ils nous renvoient aussi à nos maux actuels. A notre République en péril.

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35 €
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