Elle est là, seule, sur scène, à peine éclairée par quelques jeux de lumière mais illuminant la salle de tout son talent. Lina El Arabi, jeune actrice aperçue ici et là au cinéma – mais à laquelle une grande carrière semble promise – incarne de façon puissante, électrique et complètement bouleversante l’histoire vraie d’une femme kurde, étudiante en droit, qui voit la ville syrienne de Kobané embastillée et bombardée par Daesh. Son nom ? Rehana. Son histoire ? Avoir refusé de fuir pour flinguer littéralement une bonne centaine de combattants.
A travers cette histoire, l’actrice se livre pendant une heure et demie à un formidable exercice schizophrénique où elle interprète Rehana, de son enfance de fille de fermière férue de justice à son initiation au tir de fusil, et tout un barnum de personnages, passant aisément de l’un à l’autre : on pense à son père bien aimé, qui a décidé de résister pour défendre coûte que coûte sa terre, ou à ses bourreaux, terribles islamistes ayant choisi la haine comme mode de vie.
Si le succès de ‘Mon ange’ réside dans le talent de la femme, sa présence, son énergie, son sens du rythme et des silences sont indéniables, il est dû également à la scénographie – décor ultra mystique signé Jacques Gabel – dont la mise en scène habile, transporte sur un geste le spectateur d’un espace à l’autre avec une lumière fantomale déterminante. On pense également à l’humour qui procure au spectateur quelques bouffées de légèreté dans ce tourbillon émotionnel où plane constamment la mort. Tout cela offrant la sensation sincère, plus encore que dans un documentaire, d’avoir vécu au plus près l’effroi de la guerre. Dans une zone encore et toujours meurtrie par le conflit.