Très peu traitée depuis la rentrée, la question du régime des intermittents a resurgi le 22 avril 2015 lorsque François Rebsamen a présenté au Conseil des ministres son projet de loi « relatif au dialogue social ». Il y annonce la « sanctuarisation » du régime d'assurance-chômage des artistes. Avant les festivals d'été, la profession commence à manifester ses doutes et son mécontentement.
Moderniser et simplifier le dialogue social. Telle est l'ambition affichée par le projet de loi « relatif au dialogue social et au soutien à l'activité des salariés » présenté le 22 avril 2015 au Conseil des ministres par le ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social François Rebsamen. « Au sujet des intermittents du spectacle, les annonces vont dans le sens de celles qu'a faites le gouvernement les 7 et 11 janvier 2015 – celles du 7 sont passées inaperçues du fait de l'actualité funèbre de ce jour. À savoir essentiellement l'inscription dans la loi du principe d'un régime spécifique pour les artistes et les techniciens du spectacle », affirme Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT-spectacle. Une avancée en théorie ; en pratique une série de promesses floues qui sont loin de convaincre la profession et ses syndicats.
Une feuille de route qui déçoit
Les membres de la Coordination des intermittents et précaires (CIP) de Franche-Comté sont parmi les premiers à avoir réagi publiquement à l'intervention de François Rebsamen. Dans une lettre publique rédigée dès le 22 avril, ils demandent aux députés de leur région de « ne pas promulguer cette loi néfaste à la démocratie, aux intérêts des salariés et aux effets économiques discutables ». Selon eux, « la ''sanctuarisation'' de l'intermittence n'en est pas une. Elle n'entérine aucune des avancées promises, malgré des mois de concertation, malgré les déclarations volontaristes du Premier ministre Manuel Valls. » Autrement dit, le travail amorcé en juin 2014 avec la mise en place d'une mission de concertation dirigée par le député Jean-Patrick Gilles, l'ancienne codirectrice du festival d'Avignon Hortense Archambault et l'ancien directeur général du travail Jean-Denis Combrexelle n'a pas porté ses fruits. Du moins pas autant que l'espérait la profession.
Depuis la signature par les syndicats et le patronat de l'accord sur la nouvelle convention de l'assurance-chômage le 22 mars 2014 qui a provoqué la colère des intermittents et la perturbation de nombreux festivals d'été, la profession attendait pourtant beaucoup de cette mission dont l'existence était, en soi, déjà une chose prometteuse. « Avant cela, nos propositions n'avaient jamais été étudiées au sein des négociations interprofessionnelles. Et depuis plus de dix ans, nous n'avions pas eu les moyens de fournir à l'Unedic – organisme dirigé par les partenaires sociaux et chargé de la gestion de l'assurance-chômage – des propositions chiffrées de réforme », explique Sofi Vaillant de la CIP Ile-de-France. En réponse à la Cour des comptes qui se plaignait d'un « déficit chronique » du régime des intermittents évalué à un tiers du déficit total de l'assurance-chômage – soit un plus d'un milliard d'euros –, la CGT-Spectacle, la CFDT et la CIP ont en effet pu prouver la viabilité économique de modèles d'assurance-chômage alternatifs, plus solidaires.
Vers un été 2014 bis ?
Le projet de loi Rebsamen refuse explicitement une des propositions centrales des syndicats : le remplacement des annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l'Unedic par une annexe unique. Le retour à la date anniversaire – 507 heures en 12 mois au lieu de 10,5 pour être éligible au régime spécifique d'assurance-chômage – et la mise en place d'un plafond d'indemnisation n'ont quant à eux pas été abordés. « L'existence de règles spécifiques pour les professions concernées seront inscrites dans la loi », peut-on seulement lire dans la « Feuille de route pour refonder le régime de l'intermittence » publiée sur le site du gouvernement le 21 avril 2015.
Denis Gravouil note toutefois dans ce communiqué une avancée : « Les négociations de la convention d'assurance-chômage vont impliquer les professionnels du spectacle et pas seulement les partenaires sociaux. » Pour se prononcer sur la future loi, il attend donc de pouvoir apprécier la qualité des discussions. « Nous attendons beaucoup de la conférence pour l'emploi dans les métiers du spectacle annoncée pour l'automne », précise-t-il. D'ici là, difficile de savoir quel sera le visage des festivals de l'été.
« Notre objectif n'est bien sûr pas d'ajouter des annulations à celles qui se sont multipliées depuis les dernières municipales. Mais tout dépend de ce qui va se dessiner dans les prochains mois », explique Sofi Vaillant. Il paraît peu probable cependant que le scénario de l'été se reproduise. Denis Gravouil remarque : « Depuis que pour sauver les festivals de l'été – celui d'Avignon surtout – le gouvernement a supprimé le différé d'indemnisation qui figurait dans la nouvelle convention d'assurance-chômage signée le 22 mars 2014, les intermittents sont moins mobilisés. Mais on ne sait jamais, le mouvement qui s'est manifesté l'an dernier par de nombreuses grèves pourrait bien repartir si les négociations se passaient mal... »