L’opéra-rock aurait-il retrouvé ses lettres de noblesse ? C’est en tout cas ce que suggère l’incroyable résurrection de Starmania, dans une version 2.0 du mythique livret de Michel Berger et Luc Plamondon. Monté pour la première fois en 1979, le spectacle, qui mettait notamment en scène France Gall ou Daniel Balavoine, avait connu un foudroyant succès. Avec ses tubes cultissimes comme “Quand on arrive en ville” ou “Le Blues du businessman”, le disque est aujourd’hui encore l’un des dix albums les plus vendus en France… Et son retour sur scène est loin d’être hasardeux.
Pour cette nouvelle version du show, on a fait appel au génie de Thomas Jolly, l’un des metteurs en scène les plus doués de sa génération (Richard III, et bientôt la cérémonie des JO) dont chaque spectacle est toujours un véritable coup de folie. Une riche idée, qui donne un aspect résolument contemporain au projet… dont le thème et les tubes semblent dangereusement d’actualité. Avec un grand méchant aux faux airs d’Elon Musk et la description vertigineuse d’un monde qui s’effondre, Starmania aurait facilement pu être l'œuvre d’un collapsologue au blouson de cuir et à la gratte facile (si Pablo Servigne avait voulu être un artiste).
Dans un décor orageux de ville-monde baignée de ténèbres, des personnages aux cœurs aussi sombres que leurs noms sont fleuris (on adore Johnny Rockfort) dansent et courent les uns après les autres, se déchirent, se désirent… mais restent désespérément seuls au monde. Tous, à l’exception de la délicate petite serveuse automate, sont victimes de leur propre hubris (cet appétit de démesure hérité du théâtre grec) et pourraient aussi bien être des héros tragiques que des personnages DC Comics. La scénographie monumentale, toute en clair-obscur et verticalité, sert d’ailleurs parfaitement ce sentiment. Pourtant, avec son souffle pop et sa mise en scène incandescente aux décors et costumes rutilants, ses détours par l’absurde et ses piquants traits d’esprit, Starmania reste et restera l’un de nos plus beaux remèdes à la mélancolie.