Réalisant le fantasme de beaucoup d’endeuillés qui aimeraient entendre la voix d'un disparu une dernière fois, le fantôme de Leïla est la boussole et le messager de ce Vendredi 13 planté dans un décor de cimetière, où l'on commémore une disparue du 13-Novembre. Certains penseront qu’il est trop tôt : en décembre, face à une pétition signée par 40 000 personnes, France 2 avait ajourné la production du téléfilm Ce soir-là, une romance qui se déroulait le soir des attentats. Avec Vendredi 13, l’auteur et metteur en scène Jean-Louis Bauer a choisi de traiter le temps de l’après, la reconstruction de l'entourage des victimes.
La victime, c’est Leïla – très présente pour un spectre –, incarnée par Amina Boudjemline, actrice lumineuse jusque dans son chant qui s'élève avec un naturel qui enivre, qu'on ait osé toucher ou non à la fameuse bouteille du vin. Elle est débouchée par Jonas, son ex-amour – lui est juif, elle était musulmane. Il est là pour déposer un drapeau français et ainsi provoquer Djibril, le frère musulman pratiquant de Leïla. La confrontation commence avec l’épouse de Djibril, amie de la défunte, dévorée par ses doutes, avec sa personnalité complexe au-delà des clichés, au point que l'on ne sait plus quand rire ou pleurer. L’illumination de la fin, portée par le fantôme, arrive après la réconciliation des vivants, sève de cette pièce qui ose ne pas céder à la simplicité ni se détourner de la douleur.