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Le monde du spectacle a lui aussi ses chefs-d’œuvre, ses moments qui ont marqué l’univers artistique et ont fait brusquement évoluer les genres. 'Einstein on the Beach' fait partie de ces légendes-là. Opéra créé en 1976 par Robert Wilson et Philip Glass, il est le fruit d’une recherche très poussée pour faire d’un spectacle une véritable manifestation d’art total. Musique, danse, images, texte, tous ces domaines sont liés et pensés ensemble, comme un tout qui ne saurait se défaire d’un de ses éléments. Pour cette réédition 2014, Lucinda Childs est conviée à partager ce grand rassemblement en imaginant des chorégraphies autour des sciences et du principe de répétition. Du côté musical, c’est le Philip Glass Ensemble qui rendra à César ce qui lui appartient, en interprétant les thèmes de son directeur. Vaste programme, direz-vous. Et si vous craignez que les 4h30 de représentation soient de trop, rassurez-vous : comme pour une représentation de nô japonais, vous pourrez entrer et sortir de la salle à votre guise, pour mieux vous approprier ce monument du XXesiècle.
Ne voyez pas le mal partout. Si les deux génies du moment Pierre Rigal, l’athlète, et Aurélien Bory, le circassien, ont intitulé leur spectacle ‘Erection’, ce n’est ni pour vous faire rougir, ni pour ressortir dans les moteurs de recherche, mais parce que leur création imaginée il y a dix ans s’affaire à nous parler de verticalité. Un solo de quarante-cinq minutes interprété par Pierre et mis en scène par Aurélien où le corps choit, se relève, expérimente chaque état, chaque étape vers l’élévation. Une tentative d’épuisement d’un carré lumineux projeté au sol, qui délimite les mouvements en même temps qu’il émeut le corps du danseur. Des stimuli musicaux et lumineux créés en temps réel et qui donnent au spectacle des allures d’illusion d’optique. Bandant, n'est-ce pas ?
C’est un casting 3 étoiles que nous propose bientôt le TGP. En solo, Jacques Gabel pour planter le décor. En duo, Edward Bond au texte et Alain Françon à la mise en scène. Sur le plateau, trois hommes et une femme joués par un quatuor exceptionnel : Carlo Brandt, Dominique Valadié, Alain Rimoux et Pierre-Félix Gravière. Tout ce beau monde réuni dans un TGP tout neuf, intimiste et convivial, en plein cœur du glacial mois de janvier. Le texte, qui ne risque pourtant pas de nous réchauffer, prend son origine dans une citation de Margaret Thatcher : « La société n’existe pas. Il y a seulement des hommes, des femmes et des familles. » Fidèle à lui-même, Edward Bond va au bout de la proposition et nous montre à quoi ressemblerait ce monde-là. L’histoire ? Une femme qui vole les cadavres pour survivre croise la route de trois tueurs bannis de chez eux. Nous voilà transportés dans une vision apocalyptique de l’avenir de notre société. Le théâtre d’Edward Bond, c’est d’abord une fiction. Les questions sociétales et philosophiques mises en évidence ne prennent jamais le pas sur l’histoire qui est racontée. Et c’est cela qui fait la beauté de ses textes : ils sont aussi profonds que concrets, contemporains donc. Des 'Gens' bien ? Certainement pas. Mais bouleversants de fragilité.
Quiproquos, valets manipulateurs, amours secrètes, révélations finales, aveux… On a beau connaître sur le bout des doigts les ficelles du théâtre de Marivaux, rien n’y fait. L’écriture de ce génie du XVIIIe siècle réussit systématiquement à insinuer le doute dans nos esprits. On le sait pourtant qu’il s’agit d’une comédie qui se terminera forcément bien. On les a déjà vus, ces deux-là, Dorante et Araminte, qui n’osent pas s’avouer leur amour mais qui se jetteront au bout du compte dans les bras l’un de l’autre. Pourtant, jusqu’au dénouement, on hésitera, on tremblera et on soupirera avec eux. « Eux » seront joués par Isabelle Huppert, Louis Garrel et Bulle Ogier. Rien que ça. C’est qu’il faut un certain panache, une bonne dose d’intelligence du texte et une sacrée expérience du plateau pour éviter que ces « fausses confidences » ne se résument à un simple marivaudage assommant et insipide. Luc Bondy en sait quelque chose, lui qui a déjà par trois fois mis le nez dans ses affaires, et la scène à son service. S’il décide aujourd’hui de mettre l’accent sur le pouvoir des mots, il n’en oublie pas pour autant de faire éclater le dynamisme de l’action. Les rebondissements s’enchaîneront avec virtuosité et les lumières de Dominique Bruguière sauront une nouvelle fois raviver les couleurs de l’amour.
Le théâtre de Pippo Delbono ne laisse pas indifférent. Il émeut. Il déchire. Il détient une beauté à la fragilité dure, une puissance tourbillonnante. Chacun de ses spectacles devient alors pour ses spectateurs une sorte de rituel que l’on ne manquerait pour rien au monde. Parce qu’au fur et à mesure des années, Pippo, Bobo et les autres sont devenus comme une famille. Des parents que l’on ne voit pas assez et que l’on est toujours heureux de retrouver. Après l’émouvant ‘Doppo la battaglia’, après ‘Amore carne’, Pippo revient avec ‘Orchidées’, pièce en forme de voyage à travers l’âme humaine... Lors de notre rencontre en juin 2013, le metteur en scène italien nous confiait la difficulté avec laquelle il vivait depuis la mort de sa mère. ‘Orchidées’ évoque ainsi ce sentiment prégnant d’être perdu, « d’avoir perdu des choses précises, le sens du théâtre, de la représentation ». « L’orchidée, tu ne sais jamais si c’est vrai ou si c’est un mensonge » raconte l’homme de théâtre. Pour son spectacle, Pippo Delbono a fait appel au théâtre bien sûr, mais également à la danse, au cinéma et à la photo. Il a convoqué des pontes de l'écriture théâtrale (Shakespeare, Tchekhov) et a mélangé tout ça à son quotidien. « Un mélange explosif dans lequel tu retrouves le sens du théâtre et le sens de la vie. » Joli programme.
Dressé fièrement face au théâtre du Châtelet (et oui, ne vous trompez pas de trottoir !), le théâtre de la Ville est devenu en quelques décennies le temple incontesté de la création chorégraphique. Visionnaire hors-pair, son ancien directeur Gérard Violette y invita dès les années 1980 la crème de la danse contemporaine qu’elle soit allemande (Pina Bausch), flamande (Anne-Teresa de Keersmaeker) ou encore française (Maguy Marin). Si la danse à elle seule fait la réputation du lieu, sa programmation théâtrale ne démérite pourtant pas : Luc Bondy, le Berliner Ensemble ou encore la Nature Theater of Oklahoma y sont attendus en 2012. En 1996, une seconde salle de 400 places ouvre dans le 18e arrondissement, le théâtre des Abbesses y invite de jeunes chorégraphes et petites compagnies de théâtre afin de désengorger la place du Châtelet. Toutefois, il est bien possible qu’il vous faille vous armer de courage pour obtenir un siège hors abonnement (notamment pour le Tanztheater Wuppertal). Mais rassurez-vous, le jeu en vaut définitivement la chandelle.
En arrivant quelques minutes avant le lever du rideau, vous aurez tout le loisir d’admirer depuis le lobby la scintillante Tour Eiffel, voisine du théâtre de Chaillot. Ancien siège de l’ONU, c’est dans la grande salle qu’en 1948 fut signée la Déclaration universelle des droits de l’homme. Jean Vilar, Antoine Vitez et Jérôme Savary feront rejouer des comédiens sur son plateau, rendant les 1 670 places de Chaillot à ses premières amours : le théâtre populaire. Depuis peu presque exclusivement consacré à la danse contemporaine, Chaillot se dessine dorénavant comme le pendant moins international du théâtre de la Ville. Un large espace découpé en deux salles et qui rend hommage à toutes les écritures chorégraphiques, qu’elles soient influencées par le flamenco ou enracinées dans la culture urbaine. Egalement lieu d’apprentissage, le théâtre organise des rencontres, des ateliers et même une formation continue en histoire des arts !
Vous cherchez le théâtre de Gennevilliers ? Suivez les flèches. Imaginés par Daniel Buren, ces panneaux rouges et blancs jalonnent le chemin du métro jusqu’aux portes du bâtiment. Après le règne du fondateur Bernard Sobel, c’est le metteur en scène Pascal Rambert qui tire aujourd’hui les ficelles de ce centre national entièrement dédié à la création contemporaine. Nouvelle identité visuelle, propositions interdisciplinaires et organisation de nombreux festivals : le T2G met le cap sur la rencontre artistique. Amoureux de Molière ou Racine, passez votre chemin, Pascal Rambert ne pioche pas ces auteurs dans le répertoire. En revanche, vous n’y trouverez pas que du théâtre mais également de l’opéra (Oscar Bianchi et Joël Pommerat), de l’art (Nan Goldin), du cinéma, de la littérature et même de la philosophie (Emmanuel Alloa) ! Sachez enfin que certaines répétitions sont ouvertes aux Gennevillois.
A quelques mètres de la plus célèbre avenue parisienne, le Rond-Point met un point d'honneur à ne diffuser que des auteurs vivants : François Bégaudeau, Tatiana Vialle ou encore Jean-Marie Piemme faisaient ainsi partie de la programmation de la saison 2010-2011. Métamorphosé au début des années 2000, le Rond-Point est devenu un lieu multitâches décoré par Patrick Dutertre. Un espace qui s’articule autour d’une abondante librairie, d’un salon de thé et d’un restaurant au cas où la faim se ferait sentir. Ces trois salles baptisées Topor, Tardieu et Renault-Barrault n’accueillent pas seulement du théâtre mais aussi du cirque (Eloize, Le Cirque invisible) et parfois même quelques humoristes satiriques (Guy Bedos, Christophe Alévêque).
Cap à l’Est ! Niché dans une étroite ruelle du 20e arrondissement, le théâtre national de la Colline étonne au premier abord par son imposante façade transparente de 12 mètres de haut. Un décor de béton et de verre qui accueille en son sein un joli échantillon de la dramaturgie, du XIXe siècle à nos jours. Des étoiles de l’écriture dramatique – Norén, Pirandello, Bernhard, Brecht – mise au goût du jour par des ténors de la mise en scène tels que Krystian Lupa, Bernard Sobel ou encore Stanislas Nordey. Aujourd’hui dirigée par le metteur en scène Stéphane Braunschweig, la Colline propose en parallèle de ses spectacles des ateliers, des stages et des week-ends gratuits de formation pour les jeunes passionnés de théâtre.
« Temple absolu du théâtre » selon les termes de son directeur Olivier Py, l’Odéon ne compte pas que son théâtre à l’italienne au centre de Paris mais également un entrepôt de décors de spectacles construit en 1895 par Charles Garnier pour l'Opéra de Paris. Les Ateliers Berthier à l’extrême nord de la capitale sont devenus en mai 2005 la nouvelle salle de l’Odéon, gagnant ainsi près de 400 places. Anciennement sous le joug de la Comédie-Française, l’Odéon s’est affranchi au début des années 1990 en devenant le théâtre de l’Europe. Des metteurs en scène des quatre coins de l’Europe sont invités à présenter leurs productions en langue originale sur-titrée. Parmi eux Deborah Warner, Peter Zadek, Giorgio Strehler, Robert Wilson, Frank Castorf ou encore Thomas Ostermeier.
Il faut d’abord parcourir la ligne 5 du métro puis marcher quelques minutes avant d’arriver à la Maison de la culture de Bobigny. Mais le temps passé dans les transports en commun sera loin d'être perdu, surtout si vous avez choisi d’assister à un spectacle du Standard Idéal. Ce festival inauguré en 2004 invite chaque hiver sur ses planches la fine fleur des metteurs en scène européens. L’occasion de faire le plein de spectacles hongrois, allemands, anglais ou encore italiens. Un écrin de verre dans lequel se tient également l’Atelier des 200. Le temps d’un week-end, 200 amateurs sont invités à découvrir en compagnie des metteurs en scène de la saison l’envers du décor, notamment le jeu d’acteur. Il ne reste plus qu’à vaincre sa timidité et se lancer !
Aux manettes de cette scène conventionnée pour la danse, il y a José Alfarroba. Homme de théâtre actif, qui ne se contente pas d’ouvrir les portes de son lieu aux chorégraphes mais invite jeunes compagnies de théâtre, plasticiens en herbe (huit expositions par saison) et musiciens de tous bords. Spectacles jeune public, projections de films et festivals tous azimuts : le théâtre de Vanves émerveille par la richesse de sa programmation. Découpé en deux salles – le théâtre et la panopée –, le lieu se mobilise tout particulièrement à promouvoir les écritures contemporaines, mais sans frontières : « cette saison seront présentées des tragédies, un mélodrame, une grande fresque historique, des pièces "sociales"... et quelques ovnis » explique son directeur. Un espace de qualité qui accueille en son sein depuis quinze ans l’excellent festival de théâtre et danse Artdanthé. Un must en matière de rendez-vous culturel.
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