Au premier plan, un jeune homme gracieux, le cou légèrement penché en arrière, les yeux rivés vers le ciel. Au second, une figure étrange, aux traits renfrognés et indistincts, qui pose une main osseuse sur l'épaule de l'éphèbe. Devant, le jour ; derrière, la nuit. Irrémédiablement unis par le bloc de marbre dans lequel ils ont été taillés, ils sont profondément divisés par leur style : aux traits délicats de l'un – le portrait du marquis Henri de Bideran qu'Antoine Bourdelle trouvait « beau comme le jour » – répond le visage houleux de l'autre. Allégorie de la beauté dressée contre la décrépitude, de la jeunesse menacée par la vieillesse, ce double portrait date de l'époque où le sculpteur travaillait dans l'atelier de Rodin, en tant que praticien du marbre. On l'y voit tiraillé entre le classicisme de son maître et une expression plus moderne, plus torturée. Selon Colin Lemoine, responsable des fonds de sculptures du musée, « il s'agit d'une métaphore de l'émancipation de Bourdelle. Le portrait du jour, qui est très doux, très sensuel, très réaliste, dégage quelque chose de profondément rodinien, tandis que la figure de la nuit, plus expressionniste et dénaturée, évoque plutôt quelque chose de bourdellien. Ces deux traitements qui cohabitent au sein d'une seule et même pièce illustrent une forme de passage d'une esthétique à une autre. Un basculement d'un siècle à un autre. »
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