En choisissant de peindre le portrait d'une femme émancipée qui picole et fume seule à une terrasse de café, le monocle vissé à l'œil, Otto Dix se penche sur la nouvelle société de l'entre-deux-guerres au cœur d'un Berlin moderne où il passe deux ans, entre 1925 et 1927. Le peintre allemand raconte les intellectuels comme il raconte, dans ses tableaux les plus corrosifs, les gueules cassées de 14-18 : sans fard, sans magnifier la réalité, mais en esquissant des figures ambiguës, charismatiques dans leur laideur. De même, ses compositions sont toujours troublées par des détails qui viennent ironiquement briser leur harmonie : ici, le bas défait jure avec l'apparente assurance de la journaliste, comme sa robe jure avec le mobilier art déco qui l'entoure. Avec sa peau grisâtre, ses doigts arachnéens, son corps osseux et son allure masculine, Sylvia Von Harden est devenue, sous le pinceau d'Otto Dix, l'un des visages qui résume le mieux la Nouvelle Objectivité.
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