Lorsqu'il peint cet arlequin en 1923, Picasso est déjà une superstar du monde de l'art. Depuis l'Armistice, ses toiles font le tour des grandes expositions de la capitale – accrochées, parfois, auprès des maîtres de l'avant-guerre (Matisse, Derain) ; associées, d'autres fois, à l'Esprit Nouveau, au cubisme ou à l'émergente Ecole de Paris. Déjà, la critique voue un respect immense à cet artiste capable de jongler librement avec les styles, d'exceller dans tous les domaines et de parler plusieurs langages plastiques comme s'il s'agissait, à chaque fois, d'une langue maternelle.
A l'heure où le « Retour à l'ordre » impulse une recrudescence du classicisme dans l'art parisien de l'après-guerre, le peintre espagnol joue peut-être plus que jamais les équilibristes entre avant-garde et académisme. En témoignent plusieurs tableaux sur le thème de l'arlequin, qu'il réalise entre 1915 et 1923 : certains, outrageusement cubistes, d'autres étonnants de naturalisme. Celui du Centre Pompidou, partiellement dessiné sur la toile brute, partiellement peint avec une finesse d'éxecution ingresque (notamment au niveau du visage, portrait de son ami peintre Joaquín Salvado), s'inscrit dans une série de toiles hybrides, d'aspect volontairement inachevé, que Picasso imagine à cette époque. Il y condense plusieurs styles, comme pour briser la magie de l'illusionnisme et célébrer, au contraire, l'artifice de la représentation artistique : en ce sens 'Arlequin' se rapproche peut-être davantage du collage que d'une quelconque tradition naturaliste. Et trahit, derrière ses airs classiques, un tempérament furieusement moderne.
Si le musée Picasso, actuellement fermé pour travaux, s'avère l'un des grands absents de notre sélection des 50 œuvres incontournables de Paris, espérons que 'L'Arlequin' (de même que quelques autres œuvres du Centre Pompidou) apporte un peu de réconfort aux fans inconditionnels du Malagais qui attendent, depuis bien trop longtemps, la réouverture de son musée prévue fin 2013.
• A découvrir également au Centre Pompidou :
'Bildnis der Journalistin Sylvia von Harden' d'Otto Dix
'Il Ritornante' de Giorgio De Chirico
'Fontaine' de Marcel Duchamp
'L'Arbre' d'Yves Klein
'La Fontaine Stravinsky' de Niki de Saint Phalle & Jean Tinguely
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