Une surface plane et ovale. Six yeux en amande taillés dans le bois et répartis de manière symétrique de part et d'autre d'un axe central. Tout simplement. Tout sobrement. Ce masque issu du Gabon illustre peut-être mieux que nul autre le talent des artistes kwele pour la stylisation, cette schématisation harmonieuse des formes. « C'est un masque unique au monde. On m'en a montré des copies, mais je n'en ai jamais vu d'autres comme celui-ci » note Yves Le Fur, conservateur au musée du Quai Branly. Collecté par Aristide Courtois, il a appartenu aux peintres Charles Lapicque et Charles Ratton, fascinant plusieurs générations d'artistes et de collectionneurs français : une aura toute particulière qu'il doit à l'ambiguïté de sa composition, tout en signes et en formes allusives. Certains y verront, par exemple, la représentation d'un visage d'éléphant (sujet récurrent des masques kwele), réduit ici à une évocation lapidaire des yeux, de la trompe, des oreilles et des défenses. Dans ce cas, nous voilà face à « un artiste assez génial qui va tout styliser, tout simplifier, à la manière de Picasso ou de Matisse », précise Yves Le Fur. D'autres y distingueront une feuille d'arbre, une représentation du sexe féminin à différents stades de son épanouissement, ou bien un masque omnivoyant, dans lequel cohabiteraient plusieurs visages. Tout un éventail de significations possibles, auquel vient s'ajouter ce style synthétique, frappant de modernité. « Cette pièce nous ouvre plein de pistes. Pour moi, conclut Le Fur, c'est ce qui définit un chef-d'œuvre. »
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