Les demoiselles picasso
© Flickr/Wally Gobetz
© Flickr/Wally Gobetz

5 choses à savoir sur… ‘Les Demoiselles d'Avignon’ de Pablo Picasso

Pour connaître l'envers du tableau

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‘Guernica’, le ‘Portrait de Dora Maar’, ‘Les Baigneuses’… Les chefs-d’œuvre de Pablo Picasso se comptent par centaines. Mais il en est un qui demeure la pierre angulaire de son génie cubique : ‘Les Demoiselles d’Avignon’. Une toile en très grand format (deux mètres et demi de haut sur plus de deux mètres de large) que l’artiste a peinte en 1907, à l’âge de 26 ans, et qui constitue un véritable tournant dans le monde de l’art. Acquis par le MoMA de New York en 1939, ce tableau représentant cinq femmes partiellement nues se déclinant dans un camaïeu incarnat a en effet posé les bases du cubisme – bien que, pour certains, Georges Braque soit le père controversé de ce mouvement.

Alors que l’exposition événement Picasso.Mania se termine le 28 février, laissant la place à Picasso.Sculptures à partir du 8 mars, penchons-nous sur la peinture qui contribua à faire de Pablo Picasso le peintre majeur du XXe siècle. Mais aussi et surtout sur les petites histoires qui se cachent derrière cette grande toile.

1. Les demoiselles d’Avignon viennent en fait… d’Espagne

Picasso a peint ‘Les Demoiselles d'Avignon’ alors qu'il était installé en France, dans un atelier de Montmartre précisément. Il semblerait donc logique qu’Avignon fasse référence à cette commune du Vaucluse, dans le sud de l’Hexagone où l’artiste s’est établi. Erreur ! Sur le plan de la réalisation comme sur celui de la géographie, les tableaux de Pablo Picasso ne répondent à aucune cohérence. Ainsi, les demoiselles ne tiennent pas leur appellation de la ville française au pont si célèbre mais d’une rue de Barcelone, celle d'Avinyo. Une rue près de laquelle l’artiste vivait étant enfant et où de nombreuses filles de joie vendaient leurs atouts. D’ailleurs, ‘Les Demoiselles d'Avignon’, hommage à ces prostituées, était initialement titré ‘El Burdel de Aviñón’. « Pas assez vendeur » a estimé le marchand de Picasso, André Salmon. Qui, en le renommant, en a fait une contrefaçon tricolore « made in Avignon ».

Les Demoiselles d'Avignon de retour dans la rue d'Avinyo, à Barcelone. © Flickr/Carol

2. Où sont les hommes ?

Selon les dires de Picasso, confirmés par une expertise de ses esquisses préparatoires, ce n’était pas cinq mais bien sept personnages qui initialement devaient figurer sur la toile. A l’origine, un marin et un étudiant en médecine tenant un crâne dans ses mains complétaient en effet ce tableau. Le matelot était censé représenter les clients des ’Demoiselles’. Quant au jeune docteur, incarnant les officiers publics opérant des visites médicales dans les maisons closes, il portait le symbole de la mort. Et pour cause : à l’époque, la prostitution s’accompagnait souvent de graves maladies vénériennes. En témoignent les deux femmes à droite du tableau, dont le visage déformé se trouve dévoré par une syphilis osseuse.  Ainsi défigurées, elles rappellent d’ailleurs les masques ibériques et d’art africain que Pablo Picasso affectionnait tant. De même, elles participent au malaise visuel qui se dégage de l’ensemble.

Mais pourquoi l’artiste a-t-il donc effacé ce duo masculin ? Aucune explication formelle n’a été donnée. Néanmoins, au regard du travail général du peintre, on s’aperçoit que l’homme est rarement le sujet central de ses œuvres – exception faite pour ‘Le Garçon à la pipe’. La plupart représentent exclusivement des femmes. De plus, la présence de ces deux éphèbes aurait brisé l’harmonie à la fois sensuelle et violente de ses corps callipyges et dénudés. Enfin, l’air majestueux et déterminé de ces ‘Demoiselles’ regardant fixement le spectateur dans les yeux, presque provocantes, s’en serait peut-être trouvé atténué avec deux mâles à leurs côtés. Et ça Pablo Picasso, grand amoureux des femmes au sang chaud, n’aurait sûrement pas aimé. 

'Les Demoiselles d'Avignon' de Pablo Picasso. © Flickr/NicoDesign

3. André Breton, mécène indirect de Picasso

Si ‘Les Demoiselles d’Avignon’ ont choqué certains contemporains de Picasso – notamment Georges Braque et Guillaume Apollinaire qui l’ont perçu comme un acte de « terrorisme » artistique –, ce tableau a permis d’en conquérir d’autres dont le poète et écrivain surréaliste français André Breton.

Dans une lettre, André Breton fera même part de toute son admiration pour cette toile par ces mots dithyrambiques : « C'est l'événement capital XXe siècle […] Il me paraît impossible d'en parler autrement que d'une façon mystique. […] c'est un symbole pur, comme le tableau chaldéen ‘La Vierge de Cimabue’. » A force d’éloges, il enjoindra ainsi son ami le couturier et mécène Jacques Doucet à acheter la fameuse peinture en 1924 pour la modique somme de 25 000 francs. Un bel investissement quand on sait que l’œuvre pèse à présent plusieurs centaines de millions d’euros. 

André Breton, le surréaliste fan des 'Demoiselles' de Picasso © Flickr/bswise

4. Une œuvre majeure pour… 809 brouillons !

Pablo Picasso termine ‘Les Demoiselles d’Avignon’ (ou plutôt les laisse selon ses propres mots à l'état d'« inachèvement voulu ») en 1907. Une œuvre qui aura mis du temps à voir le jour puisqu’elle est le résultat de… 809 croquis et dessins préparatoires. Rien que ça ! Un perfectionnisme et une réflexion poussés à l’extrême pour un tableau incontournable. Qui n’aurait sans doute pas vu la lumière d’une galerie si le marchand et critique d’art André Salmon n’avait pas convaincu Pablo Picasso de l’exposer en 1916. Soit dix ans après sa réalisation.

Parmi les idées que l'artiste en marinière n'a pas retenues : le marin et le médecin mais également un repas que devaient partager les cinq demoiselles. N’est resté de ce festin qu’un panier de fruits, une grappe de raisin, une poire et une pomme plus exactement, au centre en bas de la toile. Une nature morte pleine de symbolique, référence à peine voilée à la tentation originelle d’Eve. 

Picasso esquissant une toile  © Flickr/RV1864

5. Un message pour Henri Matisse

Pablo Picasso n’a jamais renié l’influence d’Ingres, Goya ou encore Matisse dans son travail. Henri Matisse, peintre fauviste avec qui l’artiste aimait d’ailleurs dialoguer, voire s’affronter, par œuvres interposées. Ainsi, ‘Les Demoiselles d’Avignon’ seraient une réponse picturale au tableau ‘La Joie de vivre’ peint par Henri Matisse en 1906. Mêmes teintes rouges piquées de bleu, femmes nues batifolant dans les prés : cette toile est aussi bucolique que ‘Les Demoiselles’ sont tragiquement mélancoliques. Face à un tel « outrage », Henri Matisse répliquera en 1910 avec ‘La Danse’, inquiétante ronde de cinq femmes dévêtues, se déclinant dans des tons carmin.

Une rivalité toutefois respectueuse et des défis lancés à travers leurs toiles qui permirent à chacun des deux artistes d’expérimenter de nouveaux sujets. Et donc de développer un peu plus leur créativité respective. Comme quoi, l’orgueil a parfois du bon…

'La Danse' de Henri Matisse  © Flickr/Nicolas Constant 

L'art se dévoile toujours plus...

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