Le meilleur de Montmartre en 10 adresses coups de cœur

Derrière cette petite façade noir charbon, Shinya Inagaki, légende vivante du levain, s’adonne à sa passion : du pain à la française. Pour en profiter, il va falloir affronter ses horaires contraignants et l’inévitable file d’attente, mais quelles miches ! Des pains racés mais jamais clivants, avec des croûtes délicates, des acidités de levain discrètes qui font ressortir le parfum des céréales torréfiées. Gouter la version au khorasan, la Rolls des blés anciens. Vous n’en reviendrez pas avant de vouloir revenir !

Sur les pentes de Montmartre et sous les radars de la tendance, voici un délicat bistrot où Léa Lestage en cuisine et William Atlan en salle prennent soin des convives dans la confidence. On y déguste des assiettes élégantes aux produits du marché : betteraves sur un édredon de yaourt grec ; filet de maquereau, polenta et hollandaise ; riz au lait…

Oui Mehmet est bobo mais surtout bon bon. La galette maison, tartinée de purée de poivron, emmaillotte une viande de poulet fermier hyper juteuse, des pickles de choux blanc, des oignons rouge et une cascade de sauce au yaourt. Les frites, plus bronzées et luisantes qu’une retraitée niçoise, complètent ce grand sandwich. Ne partez pas sans gouter les mezze turcs aussi originaux que savoureux !

Bienvenue dans le très psyché dépôt-vente/fripe Chine Machine. Si les murs arborent des tuniques entièrement faites en horloges ou des cuissardes à franges dorées, les portants, eux, proposent des articles dignes de toute garde-robe. Du beau vintage comme on l’aime, à savoir une sélection de robes à 3 euros, de vestes à 15 ou de sacs en cuir à 7. Parfois même griffées : paire d’escarpins Kenzo à 20 euros, Dior Couture et manteau Hermès pour la bagatelle de 140 euros.

Bienvenue dans le bar secret de L’Hôtel Particulier. Un micropalace planqué dans le passage de la Sorcière, venelle so Montmartre entre bosquet d’érables, association de boulistes et rocher enchanté (dit-on). Traversez la cour, pénétrez dans cette bonbonnière chicos et descendez d’un niveau vers le bar, cocon luxuriant caché dans le jardin d’hiver. Une ambiance étrange mi-claque des tropiques (grandes plantes, papier peint jungle, lumière chiche) mi-Twin Peaks s03 (sol en damier et velours rouge). Derrière son comptoir en laiton et miroirs, Emilie Popovic propose une carte érudite où se mêlent classiques de la maison comme le Très Particulier, parfait pour les nuits caniculaires, où se mixent gin, cordial de sureau, tonic et lavande (15 €). Un moment toujours singulier sonorisé par un mix pop world de bon aloi.

Place du Tertre, à l’épicentre du tourisme montmartrois de masse, une jeune équipe trop sympa menée par Jonas Seignovert a repris Chez Eugène, brasserie historique de la butte. D’abord la méga-terrasse déployée sur les pavées de mi-mars à mi-octobre. Ensuite la carte des vins XXL, un bottin de plus de 600 références nature à prix très tenus. Ces nectars s’accompagnent d’honnêtes assiettes brasserie ou d'une planche sourcée comme jamais : mélange de charcute ibéro-auvergnate des maisons Dutrévis et Au Pays ; fromages de caractère du Cantal et de la Laiterie de Paris (24 €) à coucher sur du pain (tiède !) de Thierry Breton…

C'est tout là-haut, dans la plus ancienne demeure de la butte, que s'est installé le musée Montmartre, qui témoigne de la vie politique, artistique et libertine du quartier de la bohème. Ce qu'on y zieute ? Des affiches originales de Toulouse-Lautrec, une reconstitution de l'atelier-appartement du « trio infernal » Suzanne Valadon, Maurice Utrillo et André Utter, une salle dédiée au french cancan, des dessins de presse corrosifs ainsi que des hommages aux lieux et aux personnages qui ont marqué les esprits du faubourg. Mais le point fort du musée, clairement, ce sont ces trois jardins. Pour en profiter un max, faites une halte au Café Renoir, avec sa terrasse estivale et sa verrière qui va bien pour l'hiver.

Du Châteaubriand, où il a secondé de longues années Iñaki Aizpitarte, Paul Boudier a exfiltré Albert Touton. Ensemble, dans ce coin de Jules Joffrin bien connu des bistronomes, les deux compères ont repris ce qui fut un vieux troquet un peu pérave. Low profile dans le décorum, mais high level dans l’assiette… Accoudé à l’étroit comptoir jaune poussin, on entame avec de flamboyantes coques énervées par un bouillon asiate et du poivre de Sichuan. On garde ce cap marin maîtrisé avec des morceaux de lieu noir en tempura léger comme un nuage en escadrille avec des poireaux à la flamme sur un édredon de béarnaise maison. On conclut ce dej régénérant par un gâteau à la mandarine confite.

Suite au tragique décès de son créateur Shunei Kimura en juin 2022, cette adresse, qui aura affolé les nippophiles parigots des mois durant, reprend du service sous l’égide de Chizuko Kimura, sa veuve, et de la fine lame Takeshi Morooka, ex de Ginza Onodera. Dans un écrin géométrique aux allures de sauna scandinave se déploie un comptoir pour neuf paires de fesses, face au chef, dans la plus pure tradition du sushi edomae (on vous prévient, c’est pas donné). On admire la dextérité et la précision chirurgicale employées pour envoyer les neuf nigiris : sériole, maquereau, crevette crue, thon, thon gras, anguille, saumon mariné… Précédés de quelques entrées qui nous auront laissés bouche bée comme ce homard bleu, gelée de dashi et caviar… Un menu somptueux à partir de 180 €.

Blottie au pied de la butte Montmartre, dans un ancien marché couvert construit en 1868 par un élève de Baltard, la Halle Saint Pierre se consacre entièrement à l’art populaire de la seconde moitié du XXe siècle. Arts bruts, naïfs, « outsider » et singuliers viennent se bousculer sous la verrière à l'occasion d'expositions temporaires. Avec sa galerie, son auditorium, son café et sa librairie, la Halle, ovni de la vie culturelle parisienne, rassemble avant et par-dessus tout les amateurs du non-conformisme.