Quatre expos à poil(s)

Erotisme et nudité : les deux mamelles de l'automne ?

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A force d'aller sur YouPorn, on en oublierait presque que l'un des meilleurs endroits pour voir des gens à poil, c'est encore le musée – ou, encore mieux car gratuit, la galerie d'art. Et en ce mois de novembre, quatre expositions valent particulièrement le détour. Chez les Victoriens de 'Désirs & volupté', on tourne et retourne la femme dans tous les sens : déesse, princesse, héroïne, elle porte les oripeaux de la beauté. Heureusement, le musée d'Orsay rééquilibre la donne. 'Masculin / Masculin' épluche le corps viril et, de Gustave Moreau à Pierre et Gilles, ajoute (un peu) de poils à cette sélection. Le fétichisme amoureux d'Eugene Von Bruenchenhein, qui photographia sa femme sous toutes les coutures pendant des décennies, et les toiles troubles de John Currin, qui peint comme Fragonard des scènes qu'on dirait tirées d'un boulard, ajoutent un peu d'étrangeté à cette sélection. Et nous rappellent que la nudité, ce n'est pas toujours propre comme une vierge rousse victorienne.
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  • Peinture
  • 3 sur 5 étoiles
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L'ère victorienne : ses usines en brique, sa capitale rongée par le smog, sa reine qui ne sourit jamais, son puritanisme éreintant. Première puissance mondiale, le Royaume-Uni de l'intransigeante reine Victoria est indissociable de son image austère. Alors, comme pour s’extirper de cette époque à la morale corsetée, certains peintres firent preuve au contraire d'une débauche d'effets sucrés, aussi grandiloquents que les usines de la révolution industrielle étaient lugubres, au service d'un personnage central – la femme. Chaste ou aimante, venimeuse ou hiératique, objet de désir ou muse mélancolique, elle incarne la recherche d’un idéal de beauté absolu... La suite
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  • 3 sur 5 étoiles
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Vous n’avez sûrement pas loupé les affiches de l’expo ‘Masculin / Masculin’. Depuis quelques semaines, elles vous font de l’œil dans le métro, elles vous accrochent le regard au coin d’une rue. Une paire de fesses et un torse. Deux tableaux, deux corps masculins, deux périodes. Pierre & Gilles d’un côté, Jean-Baptiste Frédéric Desmarais de l’autre. Et une accroche : « L’homme nu dans l’art, de 1800 à nos jours ». La messe est dite. Et il y a de quoi éveiller pas mal de fantasmes. Autant sur le plan visuel qu’au niveau des lectures politique, morale, sociale, historique ou érotique qu’offre le sujet... La suite
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  • Photographie
  • 4 sur 5 étoiles
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Eugene Von Bruenchenhein fut boulanger, fleuriste, épicier. Mais ce commerçant du Wisconsin était surtout persuadé d’avoir été béni des dieux : né en 1910, année du passage de la rarissime comète de Halley, il croyait dur comme fer que cette coïncidence faisait de lui un génie venu d’un autre monde. Alors, dans le secret de sa cuisine, il s’attela à bâtir une œuvre qui ne fut découverte qu’après sa mort en 1983, touchant autant à la sculpture (à partir d’os de poulets), à la peinture (hantée par les essais nucléaires de la bombe H) qu’à la photographie. La galerie Christian Berst présente aujourd’hui une quarantaine de ses clichés... La suite
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  • Peinture
  • 4 sur 5 étoiles
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John Currin peint avec un raffinement extrême. Du sfumato au kitsch fleuri des préraphaélites en passant par un style qui rappelle les maîtres du XVIe ou du XVIIe siècle, l’Américain étale sur la toile son savoir-faire remarquable. Seulement, plutôt que d’user de sa perfection technique pour flatter notre œil, Currin a décidé de la mettre au service d’une œuvre grotesque embaumant le sexe, le désir, la frustration et le malaise. Bizarrement proportionnées, ses femmes semblent déformées, comme si leur dernière chirurgie esthétique avait un peu raté... La suite

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  • Peinture
  • 4 sur 5 étoiles
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Surnommé “Lo Spagnoletto” (“le petit Espagnol”), Jusepe de Ribera (1591-1652) débarque en Italie à 15 piges, baluchon sur l’épaule, avec un seul but : s’imposer sur la scène napolitaine comme l’un des maîtres de la peinture d’après nature. Largement inspiré par Le Caravage, le peintre se détache de son mentor par un traitement plus sombre et plus radical des sujets explorés. Chez Ribera, le clair-obscur révèle la souffrance humaine, la violence de la  chair et fait vaincre les ténèbres sur la lumière céleste. C’est la naissance du ténébrisme et on vous prévient : c’est pas très gai.

Grand oublié des héritiers du Caravage dans les bouquins d’histoire de l’art, cette importante figure de la Renaissance est réhabilitée à travers un parcours thématico-chronologique riche de plus d’une centaine de peintures. Le Petit Palais met en bombe l’Espagnol dans une scénographie aux murs rouges pensée pour maximiser l’impact visuel et émotionnel des œuvres de Ribera. On découvre, entre dégoût et fascination, l’univers bien dark du peintre. Le Martyre de saint Barthélemy (1624), un vieillard écorché vif, côtoie un Saint Jérôme décharné (1626) ou pénitent (1634), des mendiants et des pommes pourries, tandis que les habitués du Louvre reconnaîtront l’exceptionnelle Mise au tombeau (1628-1630), le tout ponctué de travaux préparatoires et de gravures faisant la part belle au talent graphique de l’Espagnol.

Assez classique dans son traitement, le parcours laisse les œuvres s’exprimer et donne les clés pour comprendre la filiation caravagesque de Ribera, et la manière dont il s’en est éloigné. Le réalisme de chaque toile est tellement saisissant que l’expo en devient immersive, et on sent presque l’odeur de la chair en décomposition de salle en salle.

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  • Louvre
  • 4 sur 5 étoiles
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Tout ce dont une femme a besoin pour écrire, c’est “de l'argent et d’une chambre à soi”, disait Virginia Woolf. Qu’aurait-elle pensé de notre ère où l’intime ne se conçoit plus derrière une porte fermée, mais dans un téléphone ouvert sur le monde ? C’est la question que pose le musée des Arts déco en dressant un état des lieux de cette notion complexe qui a tant évolué avec les époques. À travers 12 thématiques, L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux nous plonge au cœur d’un voyage historique délicieusement indiscret. Ponctué de petites pièces reconstituées – la chambre, la salle de bains ou les toilettes –, le parcours multiplie les objets inédits pour parler d’un concept on ne peut plus humain : ce besoin d’introspection, de soin de soi, qu’il soit physique ou mental. 

Des toiles de Pierre Bonnard aux photos de Nan Goldin ou de Zanele Muholi, des artistes très divers s’affichent dans cette expo qui se découvre à travers le trou de la serrure. Si certaines, telle L’Intimité d’Edouard Vuillard (1896), tombent un peu à plat, d’autres, comme le fameux tableau de Fragonard Le Verrou (1777), témoignent de l'intérêt parfois obsessionnel des artistes pour le sujet. Autre coup de cœur ? Les grandes pièces de design rassemblées sous la nef centrale, du lit clos des frères Bouroullec au fauteuil carrément sexy de Gaetano Pesce, La Mamma. Un peu plus laborieuse (et franchement flippante), la dernière partie s’attaque au lourd dossier de l’intime à notre époque, des vlogs tournés dans une chambre d’ado aux systèmes de vidéosurveillance. Une section qui soulève bien des questions sans apporter d’éléments de réponse, faute de recul sans doute.

Rassembler peintures de maîtres, cuvettes de chiottes et screens du compte Insta de Léna Situations pour parler d’un sujet aussi nébuleux était périlleux. Mais comme à son habitude, le MAD relève le défi haut la main et réussit à traiter l’intime dans une expo XXL aussi légère que documentée. Chapeau.

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  • Art
  • 4e arrondissement
  • 4 sur 5 étoiles
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Son nom ne vous dit probablement rien. Superstar de la photo aux Etats-Unis, Barbara Crane reste une inconnue en France. Enfin, ça c’était avant la superbe monographie que lui consacre le Centre Pompidou jusqu'au 6 janvier prochain. Installée dans la Galerie de la photographie, quelques 200 œuvres (dont une partie a récemment été acquise par le musée) reviennent sur les 25 premières années de la carrière de l’artiste originaire de Chicago, décédée en 2019 à l’âge de 91 ans. Et quelle carrière ! A mi-chemin entre la straight photography américaine, l’héritage du Bauhaus et une sensibilité toute particulière, les clichés de Barbara Crane défilent, par séries, et nous plongent dans un univers franchement indescriptible.

Son truc à elle ? L’expérimentation, qu’elle met au service de la série, comme en témoigne Multiple Human Forms, un ensemble de trois clichés réalisés en 1969 dans laquelle la surexposition se met au service de la ligne pour créer une composition quasi-abstraite. Des néons de Las Vegas aux tendres portraits de ses pairs de l’Illinois en passant par les gratte-ciels de sa ville, c’est un portrait éclectique de l’Amérique (et notamment de Chicago) que dresse la photographe. Dire d’elle qu’elle fait de la photo-documentaire serait probablement un peu too much. Et pourtant, à travers des effets de répétitions savamment étudiés - visibles notamment dans la série des Repeats, 1974-1975 - et un goût prononcé pour le détail, Barbara Crane arrive à nous plonger dans l’atmosphère si particulier de sa ville et à se faire le témoin des époques qui l’ont traversée.

Le parcours se déroule sans embûche aucune, sauf peut-être une : c’est trop court. Et oui, découvrir un travail d’aussi grande envergure mériterait bien quelques salles de plus, que la (petite) galerie de la photographie ne nous permet pas d’explorer. Si la conclusion un peu abrupte est à revoir, le reste frôle la perfection et l’on ne peut que regretter que la star de l’expo n’ait pas pu vivre un tel succès en France de son vivant.

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