1. La laitière : cochonne ou Madone ?
Le personnage de 'La Laitière' comporte une dimension maternelle et nourricière évidente. Il s'agit d'une femme solide, besogneuse, dont la dimension de pilier porteur du foyer, monumentale, est accentuée par une légère contre-plongée. Placée en position de force par rapport au spectateur, sa présence s'impose à nous, intimidante. Son air doux et son visage respirant la quiétude lui donnent un air de Madone, idée renforcée par sa jupe bleue et son corsage jaune, deux couleurs emblématiques de la Sainte-Vierge dans l'art chrétien. Le coin de la table lui-même semble sortir de la toile pour nous tenir à distance de cet être hors du commun, comme sacralisé.
Toutefois, plusieurs commentateurs érudits ont décelé une symbolique érotique de ‘La Laitière’, dont l'élément le plus probant réside dans un petit carreau, à gauche de la plinthe en faïence de Delft au bas du cadre, derrière la femme. Représentant un cupidon bandant son arc, il s'accompagne de la chaufferette, couramment associée au désir car réchauffant non seulement les pieds mais aussi les dessous féminins. Il n'en fallait ainsi pas moins aux analystes pour décréter que 'La Laitière' s'avérait en fait plus coquine et gourgandine qu'il n'y paraissait.
Si l’ambiguïté demeure sur la vertu de la servante, il semblerait que l'identité du modèle utilisé par Vermeer soit, elle, connue. Selon l’historien John Michael Montias, il s'agirait de Tanneke Erverpoel, la domestique qui fut, au début des années 1660, au service de Maria Thins, la belle-mère de Johannes Vermeer.