Les expositions à voir en ce moment à Paris
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Le nom de Nadia Léger ne vous dit sans doute rien. Figure méconnue de l’art du XXe siècle, cette esthète a été éclipsée de l’histoire de l’art par son mari, un certain Fernand Léger… Heureusement, le musée Maillol est là pour réhabiliter l’artiste et intellectuelle prolifique qu’elle était. Peintre élève de Malevitch, éditrice de revue, commissaire d’expo et militante communiste, cette Parisienne d’adoption a fait cohabiter ses racines biélorusses et les influences de l’avant-garde française dans son travail et dans sa pensée.
La dernière fois qu’on a vu Chiharu Shiota sur le sol parisien, c’était à la galerie Templon en 2023, pour la poétique expo Memory Under the Skin. Depuis, celle qu’on surnomme “l’Araignée” préparait la plus grande monographie de sa vie : The Soul Trembles. Conçue pour le Mori Art Museum de Tokyo, l’exposition s’arrête aujourd’hui sous la coupole du Grand Palais pour retracer près de 25 ans de carrière de l’artiste japonaise.
Il fallait bien 1 200 mètres carrés pour accueillir les installations monumentales de Chiharu Shiota (on en compte quand même sept) ainsi que des travaux plus minutieux, photos ou vidéos de performance, tout ça rassemblé sur un parcours thématique. Y a pas à dire : le programme fait envie. Comme Jeanne Mas, la plasticienne tisse en rouge et noir un ensemble cohérent où œuvres introspectives et premiers essais dialoguent dans des espaces immersifs saisissants.
Au-delà de l’aspect esthétique, l’exposition, rondement menée, nous permet de faire la rencontre d’une pionnière qui a tout essayé, entre expérimentation et tradition nippone. De son premier dessin d’enfant à l’évocation de l’incendie de sa maison dans In Silence (2024) en passant par sa performance corporelle douloureuse pour Becoming Painting (1994) et la menace d’un cancer des ovaires dans Cell et Rebirth and Passing (2019), Chiharu Shiota parle d’elle, des “frémissements de son âme”, et réussit l’exploit de le faire avec pudeur et grandiloquence à la fois.
Seul bémol : l’exposition est victime de son succès, avec, dans un Grand Palais fraîchement rénové, une horde d'influenceurs du dimanche qui se massent pour prendre la pose devant les traumatismes manifestés par l’artiste. Mais on ne leur en veut pas : c’est tellement beau.
Tout ce dont une femme a besoin pour écrire, c’est “de l'argent et d’une chambre à soi”, disait Virginia Woolf. Qu’aurait-elle pensé de notre ère où l’intime ne se conçoit plus derrière une porte fermée, mais dans un téléphone ouvert sur le monde ? C’est la question que pose le musée des Arts déco en dressant un état des lieux de cette notion complexe qui a tant évolué avec les époques. À travers 12 thématiques, L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux nous plonge au cœur d’un voyage historique délicieusement indiscret. Ponctué de petites pièces reconstituées – la chambre, la salle de bains ou les toilettes –, le parcours multiplie les objets inédits pour parler d’un concept on ne peut plus humain : ce besoin d’introspection, de soin de soi, qu’il soit physique ou mental.
Des toiles de Pierre Bonnard aux photos de Nan Goldin ou de Zanele Muholi, des artistes très divers s’affichent dans cette expo qui se découvre à travers le trou de la serrure. Si certaines, telle L’Intimité d’Edouard Vuillard (1896), tombent un peu à plat, d’autres, comme le fameux tableau de Fragonard Le Verrou (1777), témoignent de l'intérêt parfois obsessionnel des artistes pour le sujet. Autre coup de cœur ? Les grandes pièces de design rassemblées sous la nef centrale, du lit clos des frères Bouroullec au fauteuil carrément sexy de Gaetano Pesce, La Mamma. Un peu plus laborieuse (et franchement flippante), la dernière partie s’attaque au lourd dossier de l’intime à notre époque, des vlogs tournés dans une chambre d’ado aux systèmes de vidéosurveillance. Une section qui soulève bien des questions sans apporter d’éléments de réponse, faute de recul sans doute.
Rassembler peintures de maîtres, cuvettes de chiottes et screens du compte Insta de Léna Situations pour parler d’un sujet aussi nébuleux était périlleux. Mais comme à son habitude, le MAD relève le défi haut la main et réussit à traiter l’intime dans une expo XXL aussi légère que documentée. Chapeau.
Passionné de mode ? Le Palais Galliera nous a concocté un petit cours d'Histoire allant des tenues du XVIIIe style Chronique des Bridgerton aux fringues les plus edgy de Rick Owens. Les robes qui se présentent à nous étaient soigneusement rangées, cachées dans le noir, ne sortant que très rarement pour une petite expo temporaire par-ci par-là. Pour les quelque 350 pièces exposées, c'est donc LA sortie de l'année : « Imprimés du XIXe siècle », « Robes cocktails des années 1950 », « Minimalisme des créateurs belges et japonais à partir des années 1980 »… L'événement pose aussi, un peu malgré lui, la question de l'institutionnalisation du vêtement : la mode est-elle un art comme les autres ? A voir la garde-robe de la comtesse Greffulhe (véritable icône de mode, sorte de Bella Hadid du XIXe) et les silhouettes déstructurées de Martin Margiela, il ne fait pas de doute : la mode a bel et bien sa place au musée. Et si vous en doutez, vous avez jusqu'au 26 juin pour vous laisser convaincre.
Coup de pot - pour nous -, à l’occasion de sa fermeture temporaire, le prestigieux Frick Collection a autorisé le transfert d’une partie de ses collections. Bilan à l’arrivée : une dizaine d’eaux-fortes composées à Venise. Ailleurs, c’est à la Tamise ou au port de Valparaiso (Chili) que Whistler offre consistance. Lorgnant du côté des maîtres flamands du XVIIe siècle ainsi que de Velásquez, Fantin-Latour et surtout Courbet, dont il fût l’élève et l’ami, Mister Whistler est aussi l’auteur de portraits à l’austérité magnétique. Cinq sont exposés à Orsay, tous sont de vraies pépites. Aussi et surtout, il y a cette saisissante triade de portraits en pied. De grands formats à la palette réduite (très sombre, ou très crème) harmonieusement mis en scène...
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